La Chambre d’amour

scénario dialogué original

L’histoire

Ce scénario de film est tiré d’un roman écrit par Octave Mirbeau à la fin du 19ème siècle, intitulé « Le Journal d’une femme de chambre« .

Ce roman relate, dans une langue étonnement moderne, les tribulations de la charmante Célestine, femme de chambre de 30 ans, au service des « honnêtes gens » du moment. Elle s’y trouve confrontée à toutes les situations qu’une telle position peut engendrer quand on a son âge et sa beauté, dans une société dont les problèmes n’ont finalement que bien peu changé en près d’un siècle.

Ce roman social est aussi un roman libertin, libre autant dans l’aveu de ses excés que dans la description de leurs initiateurs. Il se présente tel un meuble à multiples tiroirs qu’on ouvre un à un, à mesure de l’éclosion d’une anecdote.

Il ressemble en cela aux « Liaisons dangereuses » de Choderlos de Laclos, et Célestine -tout comme Valmont- est le véhicule qui nous entraîne au coeur des comportements humains, afin d’y découvrir le sens qu’elle entend donner à sa vie.

« La Chambre d’Amour » nous livre ainsi l’irrépressible passion d’une femme « amoureuse de l’amour », pour une quête sentimentale qu’elle entend assumer à tous les détriments.

 Note d’intention

Octave Mirbeau était avant tout un écrivain, un romancier dont la plume fustigeait l’injustice, à la façon d’un Don Juan de l’Idéal, révolté par la misère des pauvres autant que par la canaillerie des « honnêtes gens« . Il aimait la beauté, se heurtant à chaque pas à la laideur; il rêvait de justice, ne rencontrant partout qu’iniquité; il était fou de liberté, n’observant autour de lui que servitude et oppression.

Avec « Le Journal d’une femme de Chambre« , il magnifie cette dualité permanente entre l’aspiration aux choses et leur cruelle réalité.

Cette dichotomie s’incarne chez Célestine, femme de chambre de 30 ans, fine, intelligente, élégante et caustique, perpétuellement tiraillée entre les chuchotements de sa conscience et la vigueur toujours démesurée de ses passions. Elle aime l’Amour et s’y adonne sans vergogne, au fil de ses humeurs et de ses rencontres, quelles que soient les différences sociales inhérentes à sa condition de femme de chambre.

Célestine m’a séduit par cette façon qu’elle a d’explorer les formes et les moyens qu’ont inventés l’homme et la femme, pour se rendre malheureux à deux… Par cette vision des choses, le roman de Mirbeau ressemble aux « Liaisons dangereuses » de Choderlos de Laclos, et Célestine devient le véhicule qui nous entraîne au coeur des comportements humains, afin d’y découvrir le sens qu’elle entend donner à sa vie.

C’est pourquoi j’ai cru bon de lui faire suivre une sorte de chemin initiatique, avec ses drames, ses heurts et ses excès, jusqu’à l’aboutissement final, celui de l’amour absolu, vécu sous sa forme la plus romantique. Ces expériences, revisitées avec le temps, ne seront cependant jamais traitées en « flash-back », mais plutôt comme des effets narratifs dont les résonances influenceront son quotidien.

Avançant vers son destin, elle se remémore, et ces réminiscences influent sur son comportement, et donc sur son choix de vie. Il s’agit là d’un effet de distorsion du temps, qui fait que le passé, en se mêlant étroitement au présent, participe à générer le futur.

Partie des montagnes, elle descend lentement, dans ses souvenirs, vers le fleuve, puis vers cette mer dont elle est originaire, et au bord de laquelle elle se devait de revenir… Elle y sera la nouvelle Iseult, amoureuse de l’amour jusqu’au crime… Ce sera l’aboutissement final de sa quête romantique, dans ce domaine où la fougue de la passion se mêle aux déchaînements des flots… Mais c’est ce crime, aussi, qui l’aura fait fuir vers les montagnes du début du film… et tout l’art de Célestine réside dans sa manière de mettre en mots les parallèles de son destin, et d’insinuer qu’ils se rejoignent tous dans un même désir éternel de remonter le temps…

Comme l’écrivait Mirbeau : « Si pauvre qu’il soit, un homme ne vit pas que de pain. Il a droit, comme les riches, à la beauté« . C’est ce choix que fera Célestine, après avoir exploré sa propre nature, après, aussi, avoir fait fi des barrières sociales qui la contraignaient à son état. Elle saura ainsi identifier son choix final : celui de la liberté, de la vie… celui surtout de l’amour… l’amour de la liberté et de la vie… Elle devient dés lors une sorte d’anti Barry Lindon au féminin, et sa quête d’identité ressemble à celle de toutes les femmes, dans ce monde parfois si retors à leur laisser une place.

Si en 1964, Luis Buñuel, fit de ce roman une adaptation à l’écran, transposant l’action autour des années 30, pour en faire essentiellement une satire, mon but, au travers de ce film, a été d’aspirer à révéler l’aspect spécifiquement romantique et libertin de ce fabuleux roman. Mon intention a donc été de laisser son action se situer dans son contexte originel, afin de lui restituer la sève même de son propos. Nous constatons alors l’étonnante modernité du regard de Mirbeau sur les problèmes de la société; problèmes qui n’ont finalement que peu changé puisque leurs symptômes nous rappellent étrangement l’actuel développement de maladies telles que l’injustice sociale, l’exclusion, l’intolérance politique, la dérive de l’amour, le sida, etc…

Ce scénario, enfin, est un hommage à cet Octave Mirbeau dont Leautaud et Guitry aimaient à parler en termes élogieux. Il souligne l’actualité d’un Octave Mirbeau, artisan des mots justes, qui sut donner à son héroïne les gestes justes au moment juste… gestes et mots qu’il est bon de reprendre aujourd’hui, dans l’espoir d’un éveil à un monde plus juste…

Frédéric de Foucaud