scénario dialogué original

Petite capitale de cinéma, imaginaire, en 2013.
Depuis l’Au-delà, BUG, un type de la meilleure espèce au visage buriné par les années, nous conte l’histoire de son ami GUS, 32 ans, auteur de séries Z qui cherche encore à son âge à se faire donner l’heure, décalé, romantique et plein d’humour… et de MERCEDES,  jolie jeune femme à tendance schizophrène, plus fragile que pathologique, et néanmoins fort séduisante…
Mais Mercedes, en perpétuelle quête d’amour, est incapable d’aimer ; elle se perd dans son
fantasme d’être la réincarnation d’Ava Gardner dans le film d’Albert Lewin : Pandora (and the flying dutchman)… Sa vie comme un film…
Tels sont les ingrédients de base de cette idylle dont Gus et Mercedes vont devenir les héros cinématographiques… Car cette histoire deviendra un vrai film de cinéma, non seulement sans qu’ils s’en rendent compte mais en plus sans le vouloir !…
Car c’est là que l’histoire se corse… lorsque MAX DE BLEY, son Producteur, se retrouve presque à son insu protagoniste de l’histoire alors qu’il ne cherchait qu’à renforcer l’intrigue pour en assurer le succès commercial…
Intervenant ainsi dans l’image de façon incognito alors que le film est déjà en cours de projection, il va pimenter le scénario en temps réel, en y intégrant ALDO, un dangereux mafioso dont il fera l’amant jaloux de Mercedes… Le film dans le film…
C’est dans cet hommage particulier à la cinéphilie, et dans la critique pleine d’humour qu’il fait de l’industrie cinématographique, que le film Pandora mon amour puise ses racines. C’est ainsi un regard tendre et burlesque qui est porté sur les histoires que l’on se raconte tous pour se donner le sentiment d’exister et, par voie de conséquence, sur l’importance du cinéma dans notre vie…
Pandora mon amour… le film dans lequel tout le monde se fait un film !…

Note d’intention

L’idée, avec « Pandora mon amour… », est de faire une comédie basée sur le thème de l’incontournable et intemporelle quête de cet amour absolu que la plupart d’entre nous a rêvé ou rêve encore de voir surgir au détour d’un chemin ou au hasard d’une rencontre fortuite…
Et la volonté de traiter ce sujet par ce genre a pour but de permettre aux personnages qui l’incarnent de se laisser aller au surréalisme de certains excès, et d’ainsi leur laisser spontanément vivre quelques situations piquantes concoctées dans des univers parfois stéréotypés…

Le rêve amoureux… relation difficile à déceler, dans un monde où les images colportées par les médias créent des a priori sur le bonheur, à force d’images-clichés dont il devient difficile de discerner lesquelles « vendent » une fiction totale de celles qui illustrent une réalité potentielle… quand tous aspirent à ces rêves de succès et de grande histoire d’amour capables de sublimer l’idée que l’on a de soi-même…

La mesquinerie de la réalité contredit bien souvent ce rêve…
Et la volonté de se préserver en faveur de la grande rencontre, dont on se fait une idée d’autant plus grande qu’on la croit toujours à venir, amène alors paradoxalement à se méfier des enthousiasmes paraissant trop excessifs pour être sincères…

Mais l’amour le plus sublime ne doit-il pas passer par cet étrange état fait de contrastes, par cet attendrissant mélange de certitudes et d’inquiétudes, tiraillées entre le danger et la sécurité, l’envie de se livrer et celle de se préserver ?… Ne se doit-il pas de générer autant de conflits avec soi-même qu’avec l’autre ?… et reposer ainsi sur ce jeu de séduction déconcertant qui insuffle la tentation de répondre « non » à celui qui attend que vous lui disiez « oui » ?… Et le vice est vers ça, autant que vice-versa…

Gus et Mercedes sont l’incarnation de ces grandes tergiversations, et ce scénario voudrait illustrer que l’amour, même malmené par lui-même, se doit de ne pas douter de lui-même… car il contient aussi les seules certitudes capables de dispenser l’énergie nécessaire à en combattre les fantômes…
Et c’est le cas de notre histoire : l’amour ressenti par Gus l’incitera à se surpasser, à devenir un Don Quichotte de l’Impossible, pourfendeur de moulins refusant les mirages, tellement décidé à surmonter toutes ces épreuves qu’il sera prêt à combattre les pires maffias du monde… aspirant parfois même à provoquer ces difficultés extrêmes pour mieux ressentir le plaisir de les vaincre !…
Ce combat déstabilisera alors d’autant plus Mercedes qu’il va la confronter à son hésitation entre la peur de trahir ses références fantasmées à l’amour absolu que prouve le « Pandora » que réalisa Albert Lewin en 1951, et la tentation de se laisser confirmer la vision négative qu’elle a des hommes, en la personne de cet Aldo, dangereux maffieux macho que le film lui amène sur un plateau (sans jeu de mots) …

Car le film amène effectivement certains évènements sur le plateau où il se tourne…

L’idée, en faisant une telle référence à « Pandora et le flying dutchman » était d’illustrer au mieux cette quête d’amour absolu que Lewin traite avec un kitch parfait et d’ainsi tenter de décoder l’influence fantasmatique d’un mythe, d’une légende ou d’un film sur un caractère rêveur… Mercedes en quête de perfection et d’élévation romantique prend ainsi modèle sur ce film dont elle fait son « film culte », avec la vraie volonté d’en vivre « pour de vrai » certaines séquences… En voulant faire de sa vie un film, elle contribue à nous entraîner dans un univers où la réalité ne peut plus se départir de la fiction… Et c’est ainsi toute « la vie qu’elle vit » qui devient un film, entraînant dans son sillage tous ceux qui la côtoient, jusqu’aux spectateurs de sa propre vie qui deviennent spectateurs du film… et l’inverse…

Déjà lecteurs, futurs spectateurs, nous allons assister à la fabrication de ces interférences, « en direct », parallèlement à l’action du scénario original… des interférences qui vont surgir à l’issue de séquences déjà lues-tournées-montées-projetées… un principe interactif d’autant plus imprévu qu’il va transgresser les principes cinématographiques traditionnels pour imposer des principes narratifs qui ne peuvent paradoxalement exister qu’avec le cinéma…

Car en s’introduisant dans l’image, Max De Bley confirme son rôle de producteur-manipulateur de ce qui est en train de devenir « un film dans le film », et il met en place le dispositif anachronique entre les 100 minutes de projection auxquelles il se destine et les 10 jours nécessaires au déroulement de son action… Et en ayant recours à un tel subterfuge, il introduit Aldo, personnage le mieux à même d’illustrer le dilemme amoureux de Mercedes… dilemme entre protection-sécurité et romantisme-aventure…

Gus et Mercedes auront alors parfois d’autant plus de mérite à s’y retrouver qu’ils ne sont pas eux-mêmes conscients de faire partie du film, ainsi qu’il est d’usage avec les personnages que l’on voit généralement sur les écrans : acteurs jouant parfaitement leurs rôles au point d’en oublier leur « vie civile » pour ne laisser voir que les personnages qu’ils incarnent…
Mais nous sommes malgré tout dans une fiction, et les protagonistes vont bien évidemment découvrir cette machination – manipulation… Et c’est précisément en en prenant conscience qu’ils devront faire un choix plus fort que toutes les volontés ou interférences scénaristiques : ils devront se laisser croire à eux-mêmes et, qui plus est, aux spectateurs que nous sommes devenus entre-temps,  qu’ils se sont approprié cette histoire pour la faire leur, en lui apportant le dénouement qu’ils vont eux-mêmes se choisir… Car c’est de leur destin, tout de même, dont il s’agit…

Ainsi « Pandora mon amour » est, de mon point de vue, un vrai scénario de cinéma, dans la mesure où son histoire ne peut exister que sur un écran et en aucun cas sous une forme littéraire traditionnelle… C’est dans la relation avec un spectateur, plus qu’avec un lecteur, que peut s’opérer logiquement la glissade du film dans le film destinée à constituer l’intrigue…

C’est aussi dans cet esprit et dans cette humeur que tous les personnages nous entraîneront dans un univers de cartes postales, à mi-chemin entre les ambiances des imageries un peu datées des Années 50, suscitées par le « Pandora » d’Albert Lewin, et les images recolorisées du début de ce nouveau millénaire; conférant à l’histoire une ambiance d’autant plus surréaliste et cinématographique qu’elle ne saura se départir de références graphiques ou de principes narratifs empreints d’humour.

Ainsi des séquences pastichées du vrai « Pandora »…
Ces pastiches reproduiront très fidèlement les cadres et angles de prises de vues du film de Lewin, avec le même traitement de couleur et du son, et aussi la même façon de porter la voix… aux différences près que les personnages seront Gus et Mercedes… Et ces pastiches frôleront la parodie lorsqu’en réponse aux gravités « glamour » de Mercedes, Gus n’opposera que ses réalités du quotidien… et aussi lorsque leurs accessoires, résolument contemporains de notre histoire, subiront le « syndrome de la citrouille de Cendrillon après minuit » en transformant, par exemple, le splendide bolide de course du film de Lewin en la moto toute rafistolée et pétaradante de Gus… sachant que l’on aura précédemment entrevu les séquences d’origine sur la télévision de Gus et que le spectateur aura ainsi parfaitement saisi l’adaptation attendrissante de la situation normale en glamour idéalisé…

Ainsi de la voix-off…
Cette voix-off qui peut faire peur a un débit alerte, complice et coloré, à la façon d’une bande sonore musicale soutenant l’action apparaissant à l’image… Mais à l’inverse d’une bande sonore, une voix-off s’écrit dans un scénario et cette présence peut donner le sentiment d’alourdir le film… Or il n’en est rien, car elle est ici une musique tendre et rapide, teintée de gouaille et d’ironie, destinée à alléger le récit, à permettre aux acteurs de mimer l’action qu’elle dépeint en évitant des tunnels explicatifs et à conférer aux spectateurs le sentiment de peut-être rater quelques bons mots…
Cette voix-off est celle de Bug, par ailleurs personnage du film, faisant office de narrateur depuis l’Au-delà où il se trouve pour avoir fait don de sa personne afin que cette histoire existe… L’ironie veut donc que ce soit parce qu’il est dans un monde intemporel qu’il en connaît tous les rouages depuis le début et qu’il ne peut donc que tenter de nous en avertir avec le désir essentiel de faire le point sur lui-même et d’ainsi nous révéler la tendresse des faiblesses masculines… notamment lorsqu’elles sont confrontées à leurs quêtes amoureuses ou à leurs déserts affectifs…

Ainsi des « écrans noirs »…
Ils jouent avec les troubles profonds du personnage de Mercedes et de la relation parallèle qu’elle entretient avec Aldo ; relation nébuleuse entre les zones d’ombre qui assombrissent notre héroïne et cet homme aussi de l’ombre qui ne peut accepter de dévoiler ses sentiments…
Avec ces écrans noirs, l’idée est de créer une sorte de ritournelle sur les multiples façons de ne jamais répondre au besoin inassouvi de Mercedes de connaître les sentiments qu’on lui porte… « Tu m’aimes ? » sera systématiquement la 1ère phrase de ces petites séquences dont la noire virtualité viendra enfin rejoindre la lumineuse réalité de l’histoire au moment où les destins se rejoignent et où les protagonistes sortent de l’ombre pour se révéler en pleine lumière avec la réalité de leurs sentiments…
Et le film à peine fini, le générique de fin rebasculera dans les « écrans noirs », avec cette même notion d’incertitude quant au fait d’être aimé ; à la grande différence que les rôles y deviendront interchangeables et que celui qui posera désormais la question sera Gus et que Mercedes, formée à rude école, sera désormais celle qui n’apportera plus jamais de réponse… Jusqu’à ce que les rôles, sans doute, s’inversent encore à la prochaine rencontre… Mais ceci est une autre histoire…

Ainsi de la fin burlesque…
Avec cette séquence onirique nécessitant un style radical, l’idée consiste à pousser très loin la notion de contraste qui existe entre les uns et les autres pour ainsi  incorporer des éléments qui n’ont rien en commun… Car toute la fin du film est basée sur cette notion de contraires, très largement inspirée des Frères Coen, qui consiste à donner l’impression que des personnages ou des intervenants, tels que le furet et les dobermans, sortent d’un autre film… qu’ils sont à la limite des choses, sans jamais en être totalement à l’extérieur… Très loin, mais jamais trop loin…

Alors voilà, même si je pense que ce film n’est pas un « film d’auteur » au sens traditionnel du terme, je me dis qu’il trouve parfaitement sa place dans la veine très cousine de ces films que l’on peut qualifier de « personnels » tels qu’il s’en produit régulièrement…

Frédéric de Foucaud.